Le mensonge en droit pénal des affaires
السلام عليكم ورحمة الله تعالى وبركاته
Le mensonge en droit pénal des affaires
Réalisé par :
Soufian NOUALI
Introduction
Le droit emploie rarement le mot « mensonge ».
En droit civil, le mensonge s’inscrit dans un ensemble dont les notions de
fraude et de dol sont le centre : « La fraude suppose une
mauvaise foi caractérisée, une tromperie, une ruse employée par le débiteur
pour se soustraire à ses obligations[1] ».
La fraude est donc bien un mensonge. De même, au sens de l’art. 52[2] du D.O.C[3], le dol
est une manœuvre, une réticence employée par une personne pour tromper une
autre afin de l’amener à conclure un contrat. Les notions de fraude et de dol
contiennent l’une et l’autre le mensonge. En l’absence de définition juridique
précise, le mensonge incriminé doit avoir un but précis, tel qu’une atteinte à
une valeur sociale. La loi puni ce mensonge toutes les fois qu’il porte
atteinte aux biens et droits d’autrui.
En droit pénal, branche juridique
autonome, le champ est très large, même si l’on observe que, ni le législateur
marocain ni son homologue français n’ont utilisé le mot « mensonge »
d’une manière claire et précise, puisqu’ils ont opté plutôt pour le mot « tromper »
afin de qualifier – via l’escroquerie – l’acte perpétré par l’agent : « l’escroc ».
À l’instar de tout agissement prohibé par la loi pénale, le mensonge est
sanctionné dans le respect des principes généraux du droit pénal. Le
législateur n’incrimine pas toujours le mensonge sous cette appellation. Il
décrit le comportement punissable sans utiliser le terme de mensonge et sans en
apporter une définition précise. L’absence de définition juridique du mensonge,
est source de difficultés et suscite des interrogations[4].
La définition revêt une importance majeure pour la constitution de nombreuses
infractions mensongères[5]. Alors on
doit tenir pour un mensonge non seulement ce qui est qualifié comme tel par la
loi pénale, mais aussi, toute tromperie, toute fraude, toute déloyauté
destinée à tromper. Ainsi l’escroquerie, l’émission de chèque sans provision,
le faux en écriture, le faux témoignage, le faux serment, le faux monnayage, la
contrefaçon des marques, l’usurpation de titre de fonction…etc. Ainsi
déterminée, la notion de mensonge punissable permet de mieux apprécier la
criminalité dont elle relève, criminalité d’astuce et de ruse[6]. Le
mensonge s’entend donc de toute conduite trompeuse.
De ce fait, et dans son acception
courante, le terme « mensonge » désigne une contre-vérité,
réalisée intentionnellement, avec pour but de dissimuler la vérité. L’analyse
des définitions permet d’affirmer que le mensonge peut être défini davantage
comme une contre-réalité, qu’une contre-vérité. Dans sa thèse, M. Yves
MAYAUD écrit que : « mentir consiste moins à heurter la
vérité, qu’à ébranler un rapport entre une valeur tenue pour vraie – peu
importe en définitive qu’elle soit conforme ou non à la réalité – et la
connaissance que l’on a[7] ».
La contre-réalité : « suppose que l’auteur a connaissance
de la fausseté mais poursuit on action et réalise le fait mensonger punissable.
Cette définition contient l’élément matériel et l’élément intentionnel du
mensonge[8] ».
L’étude des infractions
consommées par le mensonge, démontre que le droit pénal des affaires,
sanctionne le mensonge dans de nombreuses circonstances. La matière pénale accorde
un rôle accru au mensonge en suscitant un intérêt justifié. Le mensonge
punissable génère une problématique renouvelée, qui se traduit par
l’assimilation du simple mensonge non réprimé pénalement et celui frauduleux.
La problématique centrale qui se
pose est notamment de savoir si toute énonciation mensongère constitue une
manœuvre frauduleuse ou un acte punissable, et en vue de quelle
finalité ?.
Il conviendra alors, dans un
premier temps de déterminer la forme élaborée du mensonge concrétisé par les
manœuvres frauduleuses (I), afin d’analyser dans un second, l’assimilation du
simple mensonge aux manœuvres frauduleuses (II).
I.
La forme élaborée
du mensonge : les manœuvres frauduleuses
Pour convaincre autrui, plus ou
moins crédule, l’escroc a recours à une machination pouvant entrer dans la
notion de manœuvres frauduleuses que la loi n’a pas définie. En
l’absence de définition légale, la jurisprudence a dégagé les caractères
essentiels et les procédés principaux de ces manœuvres.
À la lecture des définitions
apportées par la doctrine et par la jurisprudence, il ressort que, la
constitution des manœuvres frauduleuses exige un mensonge initial (A), auquel
s’ajoutent un acte extérieur corroborant le mensonge initial (B). Ce sont les
traits invariables des manœuvres frauduleuses en droit pénal des affaires.
A.
Exigence d’un
mensonge initial
Il est très difficile de trouver
une définition légale aux manœuvres frauduleuses, puisque le législateur n’a
rien apporté sur ce concept très important dans la constitution de plusieurs
infractions. Une manœuvre frauduleuse se constituent par un ou plusieurs actes
matériels, qui prend d’une façon artificielle pour vraie une affirmation,
présentation, qui est en réalité mensongère. La manœuvre suppose le
rattachement au mensonge, d’un acte extérieur de nature à lui donner force et
crédit. Ainsi, le fait pour un masseur Kinésithérapeute d’appliquer une
cotation supérieur à celle fixée par la nomenclature (application d’un
coefficient supérieur à celui correspondant aux actes prescrits) ne peut pas
constituer une escroquerie, mais il s’agit d’un simple mensonge écrit non
corroboré par un acte extérieur de nature à lui donner force et crédit[9].
Les manœuvres frauduleuses sont
constituées par des actes multiples concourant à l’obtention de la chose
convoitée. Elles se basent principalement sur la tromperie afin de soustraire
le consentement ou d’obtenir un bien. Les manœuvres ne sont pas définis dans le
Code pénal, cette définition a été apportée par la jurisprudence.
Le Code pénal marocain n’apporte
pas de précision quant au mensonge initial et sa différentiation par rapport au
mensonge secondaire, qualifié d’acte extérieur. La jurisprudence française
quant à elle, considère que le mensonge initial est insuffisant à constituer
les manœuvres frauduleuses. C’est le cas notamment : « […]
des attestations sur l'honneur mensongères, par lesquelles un assuré social
certifie ne pas avoir repris son activité professionnelle, ne sont susceptibles
de constituer des manœuvres frauduleuses que si elles sont corroborées par des
certificats médicaux émanant de médecins abusés ou trompés par le patient
auteur des déclarations[10]
[…] ».
Selon la jurisprudence, le simple
mensonge même s’il ne peut constituer l’élément matériel du délit
d’escroquerie, mais il peut constituer l’élément de base des manœuvres
frauduleuses. Elle a jugé maintes fois que le simple mensonge ou un mensonge
banal ne suffit pas à réaliser une infraction, par ce qu’elle demande à ce que
la personne soit avisée et avertit et ne doit pas se laisser faire par de
simple allégation mensongère sans vérifier leur véracité[11].
Aussi le fait de la présentation d'un faux document pour obtenir la remise de
fonds constitue une manœuvre frauduleuse, et non pas un simple mensonge[12].
Le législateur marocain a
mentionné d’une manière claire, dans l’art. 540 du Code pénal : « quiconque
en vue de se procurer […] par des affirmations fallacieuses […] ». À
cet effet nous pouvons constater que le simple mensonge en droit marocain ne
peut constituer à lui seul des manœuvres frauduleuses, sauf le cas où il est
corroboré par des actes extérieurs pouvant conduire à faire convaincre la
victime de croire aux affirmations de l’escroc. Comme par exemple, quelqu’un
qui fait croire à la victime qu’il négociera avec la douane en vue de concilier
la victime avec celle-ci, en se passant par quelqu’un qui a des connaissances,
et lui offrant un document falsifié contenant la renonciation par l’administration
de la poursuite en contrepartie d’une somme d’argent[13].
La Cour suprême égyptienne a
considéré dans un arrêt de 1984 que les simples paroles et affirmations
mensongères, ne peuvent constituer des manœuvres frauduleuses, mais elles
doivent être corroborées par des actes matériaux ou extérieurs pouvant conduire
la victime à croire les faits apportés par l’agent[14].
Les manœuvres frauduleuses,
contiennent tous mensonges corroborés par des actes extérieurs, qui a pour but
de faire tromper la victime, qui en croyant l’escroc, il lui donne son argent.
Le simple mensonge ne peut constituer à lui seul les manœuvres frauduleuses, et
si une personne donne son argent suite à ce mensonge, il sera victime de son
inattention, et son manque d’expérience, et non pas une victime d’escroquerie
punissable pénalement. Les actes extérieurs qui donnent force et crédit au
mensonge, et qui constituent des manœuvres, sont multiples, et se varient quant
au pouvoir de persuasion des dires de l’escroc[15].
B.
Exigence d’acte
extérieur corroborant le mensonge initial
La caractérisation des manœuvres
frauduleuses nécessite un fait extérieur voire externe constitué d’une mise
en scène, la production d’un écrit, ou par l’intervention d’un
tiers, donnant par la suite force et crédit aux mensonges perpétrés par
l’auteur des manœuvres. Selon MM. les Professeurs Adolphe CHAUVEAU et Faustin
HELIE : « cette expression suppose une certaine combinaison de faits,
une machination préparée avec plus ou moins d'adresse, une ruse ourdie avec
plus ou moins d'art[16] ».
La mise en scène est
définie généralement comme une : « manière affectée de présenter,
d'organiser quelque chose pour éblouir, pour tromper ou pour obtenir quelque
avantage[17] ».
Selon la jurisprudence, la mise
en scène peut être simple ou complexe. Ainsi quand l’agent fait signer par la
victime un contrat, après avoir dissimulé une clause comportant l’obligation
pour l’acquéreur de payer la plus grande partie du prix comptant, contrairement
à la promesse qui lui avait donnée de le faire bénéficier d’un long crédit pour
la totalité[18]. La
jurisprudence a également vu une mise en scène dans le fait, de déclarer
faussement le vol d'une voiture automobile au commissariat de police, après
l'immersion volontaire de ce véhicule dans une gravière, pour obtenir par ce
moyen le remboursement de sa valeur par la compagnie d'assurances[19].
Concernant la production d’un
écrit, ou bien manœuvres frauduleuses par document, l’escroc a souvent
recours à cette manœuvre pour renforcer la véracité des allégations mensongères
initiales. Comme il a été précédemment indiqué, le seul mensonge, même écrit,
est insuffisant pour caractériser les manœuvres frauduleuses. C’est qu’en
effet, il est très important de distinguer ici entre le simple mensonge et les
documents ou pièces qui constituent des actes extérieurs, destinés à lui donner
force et crédit. Le mensonge oral ou écrit, se trouve alors conforté par
d’autres écrits, qui viennent le confirmer, en le rendant plus convaincant[20].
Pour retenir l’existence d’un
élément extérieur en plus du mensonge, occasionnant dès lors la constitution de
l’escroquerie, les juges s’attachent essentiellement à l’intention de l’auteur,
bien plus qu’à la valeur probante de l’élément extérieur : pour qu’il y ait
manœuvre frauduleuse, l’élément extérieur doit être indépendant du mensonge.
S’il n’est que la reproduction du mensonge, il n’apporte rien de nouveau et ne
peut constituer une manœuvre.
Concernant enfin l’intervention
d’un tiers, et selon l’excellente formule de GARRAUD, « l’intervention
d’une personne autre que l’auteur même des mensonges, venant par ses actes, ses
paroles, ses écrits, parfois par sa seule présence, ou par les actes, les
paroles, les écrits que lui prête l’agent, rendre vraisemblables ces mensonges,
suffit à les transformer en manœuvres frauduleuses[21] ».
Le tiers peut ne pas être réel
intervenant effectivement aux côtés du coupable, comme par exemple, l’employé
d’un garagiste présenté comme le propriétaire d’une voiture à vendre. Mais
aussi une personne fictive créée par l’imagination de l’escroc, comme une
société de façade ou encore un pseudo-candidat au mariage, ou aussi des
adversaires inventés de toutes pièces dans un procès relatif à une succession.
Encore faut-il que ce tiers fictif ait une suffisante apparence de réalité pour
qu’il ait pu exercer une influence sur l’esprit de la victime[22].
II.
L’assimilation du
simple mensonge aux manœuvres frauduleuses
La question relative à la
qualification des manœuvres frauduleuses, et extrêmement complexe. La frontière
entre le simple mensonge et la véritable manœuvre frauduleuse s’avère être très
mince, ce qui ne manque pas de susciter certaines interrogations.
D’une manière générale, la
doctrine et la jurisprudence, sont trop exigeantes sur la caractérisation des
manœuvres frauduleuses. Il convient alors d’étudier les décisions
jurisprudentielles, afin de relever les caractéristiques du simple mensonge
assimilé aux manœuvres frauduleuses (A). Ensuite, par l’analyse des
conséquences de ladite assimilation (B).
A.
Les
caractéristiques du simple mensonge assimilé aux manœuvres frauduleuses
Les manœuvres frauduleuses par
production de document sont un moyen couramment utilisé en pratique. Mais toute
la difficulté consiste à faire la différence entre un mensonge écrit, un simple
mensonge, et la production d’un écrit qui tombera sous cette qualification.
Ainsi, une facture majorée n’est qu’un mensonge écrit, éventuellement un faux
mais en aucun cas une escroquerie, alors qu’un écrit truqué peut être considéré
comme l’élément matériel de l’escroquerie, alors une manœuvre frauduleuse. Le
fait pour un commerçant par exemple, de truquer ses livres de commerce afin de
vendre ses fonds plus cher est une manœuvre frauduleuse.
La jurisprudence ne prend pas
normalement en compte le simple mensonge écrit, car c’est seulement un moyen
d’expression. Si je mens dans une lettre, ça n’aura pas d’importance pour la
bonne raison que la lettre, l’écrit, est un moyen d’expression. Mais la
jurisprudence considère qu’il y a quelques documents qui confèrent au mensonge
écrit « force et crédit ». Par conséquent, il suffit de mentir
dans ce document, et il faut que la victime ait été déterminée par ce mensonge.
Il suffit ainsi que l’on mette un mensonge dans un acte authentique, un
document ayant force et crédit, un bilan par exemple, une publicité officielle,
à ce moment-là, le mensonge acquiert la qualité de ce document.
Ainsi, il a été jugé que la
présentation de faux documents, assimilable à un simple mensonge écrit,
constitue une manœuvre frauduleuse dès lors qu’elle est associée à
l’intervention de tiers de nature à leur donner force et crédit[23]. La Cour
ici a lié la qualification des fausses factures avec l’intervention d’un tiers,
afin d’assimiler le simple mensonge à des manœuvres frauduleuses. Les juges
retiennent facilement l’escroquerie lors de la production d’un document
officiel, comme la remise d’un certificat d’immatriculation provisoire, pour
déterminer un achat, lorsqu’elle a pour objet de tromper l’acheteur[24]. Aussi
lorsque les écrit émanent de l’utilisation d’un procédé électronique de calcul
et de gestion leur donnant force et crédit[25].
Ou la production d’un faux bilan[26].
Il en va autrement lorsque, la
Cour de cassation indique qu’il n’est pas nécessaire afin de qualifier les
manœuvres frauduleuses, que la facture constitue un faux en écriture, car elle
a considéré que l’appréciation de l’élément intentionnel en matière
d’escroquerie, rentre exclusivement dans les attributions des juges du fond[27].
B.
Les conséquences
du simple mensonge assimilé aux manœuvres frauduleuses
Les manœuvres frauduleuses et les
manœuvres dolosives sont pas loin les unes des autres, et sont séparées par une
frontière. La grande différence qui sépare les deux notions à savoir, le simple
mensonge qui est sanctionné en matière civile même non corroboré par des actes
extérieurs. Cependant les manœuvres frauduleuses et celles dolosives sont
similaire, puisque la notion de manœuvre frauduleuse suppose une action
positive destinée à abuser le cocontractant. L’analyse de la jurisprudence nous
démontre le dépassement d’une différence entre les manœuvres frauduleuses et
les manœuvres dolosives.
Le dol emprunté du latin
classique « dolus », signifie à la fois ruse, fraude ou bien
tromperie. Le dol est défini dans l’art. 52 du D.O.C comme des manœuvres ou des
réticences qui tendent à tromper l’autre partie afin de la pousser à
contracter. Le législateur ici n’a pas démontré la nature des manœuvres
utilisées ? S’agit-il des manœuvres frauduleuses ou dolosives ? La
jurisprudence française reconnaît les deux notions pour caractériser un dol constitué
au sein des sociétés commerciales. Pour retenir le dol, le Tribunal devrait
constater l’intention dolosive qui se caractérise par la mise en œuvre de
manœuvres frauduleuses destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le
consentement du cocontractant[28]. Même si
les manœuvres dolosives peuvent résulter d’un simple mensonge, la jurisprudence
ici a utilisé les manœuvres frauduleuses pour caractériser le dol en matière de
droit des affaires. Dans le droit des sociétés, le dol peut viser un
souscripteur d’actions. La nullité de la souscription doit être demandée par
l’actionnaire qui a subi les manœuvres dolosives. Pour constituer ensuite une
cause de nullité de souscription.
La spécificité du dol repose dans
sa double composition puisqu’il est à la fois une sanction de l’acte cause de
nullité et une sanction des comportements constitutifs d’un délit civil. Dès
lors qu’une manœuvre frauduleuse, un mensonge ou une réticence est caractérisé,
accompagné d’une intention de tromper entrainant une erreur déterminante dans
l’esprit du cocontractant, le dol est irrémédiablement retenue permettant
d’obtenir au choix l’annulation de la convention ou l’obtention de dommages et
intérêts. En matière pénale, le dol implique la conscience de l’accomplissement
de l’acte prohibé, et la volonté de le commettre. Dès que cette volonté
consciente est prouvée, la faute pénale existe et suffit. Le dol pénal
est une espèce d’escroquerie grâce à laquelle une personne obtient d’une autre
par le jeu d’une supercherie la remise d’une chose mobilière. Deux infractions
pénales peuvent revêtir la forme du dol à savoir, le délit de faux. La première,
constitue un faux la fabrication de documents comptables d’une société, tels
qu’un bilan ou un compte de résultat[29],
ou encore la fabrication de fausses factures, au nom d’une entreprise de pure
façade ou d’une société fictive, objet d’une cession, gonflant indirectement le
résultat[30]. Ainsi,
d’une manière plus générale, les actes de falsification d’ordre comptable
constituent des faux, dans la mesure où la comptabilité d’une société
commerciale est destinée à servir de preuve[31].
La deuxième infraction pénale envisageable, le délit de présentation ou de
publication de bilan inexact qui n’a vocation à s’appliquer qu’à l’ensemble des
cessions de titres de sociétés à engagement social limité. Le dol pénal peut
s’avérer être un précieux atout processuel. En effet, dès l’instant où les
cédants seront condamnés au pénal pour délit d’escroquerie, le dol civil sera
caractérisé, comme cela est fréquemment jugé : le dol pénal permet ainsi de
faciliter l’administration de la preuve du dol civil[32].
En principe, et d’après la
jurisprudence française, les manœuvres frauduleuses ne peuvent être constituées
ni par la simple abstention, ni par le simple mensonge, contrairement aux
manœuvres dolosives d’où le simple mensonge est punissable. Cependant, ce
principe est remis en cause par les décisions qui prévoient la possibilité –
dans certains cas – de sanctionner le simple mensonge dans le cadre du délit
d’escroquerie, ce qui peut affaiblir la différence voire la frontière qui
sépare les manœuvres frauduleuses et les manœuvres dolosives (dol civil). Cela
peut engendrer par la suite, une sorte d’analogie dans la sanction du mensonge
dans les deux branches du droit.
Conclusion
Depuis fort longtemps, le
dispositif juridique pénal accorde une place considérable au mensonge. Le
mensonge est une notion intégrée dans le droit pénal, qui lui attribue une
définition large. Par la jurisprudence étudiée, nous avons constaté qu’elle a
contribué à faire progresser le droit pénal du mensonge par la qualification
des faits, ainsi que les éléments qui composent les infractions de nature
mensongère. Tout en respectant les textes aux situations criminelles.
En droit pénal des affaires, le
mensonge constitue la base de nombreuses infractions. Le mensonge se déguise
sous plusieurs formes constitutives desdites infractions, que le comportement
soit désigné sous le terme mensonge ou que les agissements entre dans sa
définition. Dans le cadre de cette recherche, la question initiale était de
savoir si le mensonge était sanctionné en tant que tel, dans sa forme la plus
simple. Il nous a paru difficile d’apporter une réponse simple à cette
question. Dans sa thèse prééminente et marquante de la matière portant sur le
mensonge en droit pénal, M. le Professeur Yves MAYAUD avait conclu ses
recherches en indiquant que « tout mensonge n’est pas incriminé en
droit pénal[33] ».
À l’origine, le mensonge
sanctionné par le droit pénal est celui qui porte atteinte aux valeurs sociales
protégées et qui génèrent un résultat prohibé. À la suite des évolutions
législatives et jurisprudentielles, nous observons que le législateur marocain
ne suit pas ladite évolution, ça se voit d’une façon claire lors de la lecture
des textes d’incriminations, par exemple le cas de faux en écriture privées. Le
législateur ne fait pas allusion à l’altération de la vérité, pourtant, il l’a
mentionné dans l’article concernant les écritures authentiques, qui ne font pas
l’objet de notre étude. Il a utilisé deux renvois dans les articles 357 et 358 du
Code pénal, lors de la qualification des faits concernant le délit de faux
situé dans l’art. 354[34]. Cela pose des difficultés lors de
l’interprétation du délit, pour ensuite caractériser les éléments constitutifs.
Bibliographie
Ouvrages
- EL
ALAMI Abdelouahed, « Explication du code pénal marocain : section
spéciale », 2ème éd., Annajah el jadida, Casablanca, 2013, 493 p.
- EL
KHAMLICHI Ahmed, « Le droit pénal spécial », 2ème éd., Al maarif,
Rabat, 1984, 424 p.
- MAJDI
HARJA Mostapha, « Les crimes de l’escroquerie l’abus de confiance »,
Tom II, Caire, 1990, 284 p.
- ROBERT
Jacques-Henri ; MATSOPOULOU Haritini, « Traité de droit pénal des
affaires », 1ère éd., PUF, Paris, 2004, 620 p.
- VITU
André, « Traité de droit pénal spécial », Tom II, Cujas, Paris,
1982.
Thèses
- COMERT
Alev, « Les infractions consommées par le mensonge », Th. en droit
privé et sciences criminelles, Univ de Lorraine, 14 décembre 2015.
- MAYAUD
Yves, « Le mensonge en droit pénal », Th. en droit pénal et
criminel, Hermès, Lyon, 1979.
Lois
- Dahir
du 9 ramadan 1331 (12 aout 1913) formant Code des obligations et des
contrats (B.O. 12 septembre 1913).
- Dahir
n° 1-59-413 du 28 joumada II 1382 (26 novembre 1962) portant approbation
du texte du code pénal, B.O. n° 2640 bis du 05/06/2013, p. 843.
- Code
pénal français, www.legifrance.gouv.fr
Jurisprudence
- Cass.
Crim. 28 juin 2017, pourvoi n° : 16-81110.
- Cass.
Crim. 8 décembre 2015, pourvoi n° : 14-85511.
- Cass.
Crim. 25 mars 2014, pourvoi n° : 13-13268.
- Cass.
Crim. 26 mai 2009, pourvoi n° : 08-15980.
- Cass.
Crim. 24 septembre 1998, pourvoi n° : 97-81748.
- Cass.
Crim. 16 novembre 1995, pourvoi n° : 94-84725.
- Cass.
Crim. 13 mai 1991, pourvoi n° : 90-83520.
- Cass.
Crim. 11 octobre 1989, pourvoi n° : 87-83664.
- Cass.
Crim. 13 octobre 1987, pourvoi n° : 85-94605.
- Cass.
Crim. 3 juin 1985, pourvoi n° : 83-95073.
- Cass.
Crim. 24 avril 1984, pourvoi n° : 83-90752.
- Cass.
Crim. 22 mars 1978, pourvoi n° : 77-92627.
- Cass.
Crim. 16 mars 1976, pourvoi n° : 75-90306.
- Cass.
Crim. 16 mars 1970, pourvoi n° : 68-90226.
- Cass.
Crim. 18 juillet 1968, pourvoi n° : 67-91361.
[1] Yves
MAYAUD, Le mensonge en droit pénal, Th. en droit pénal et criminel, éd.
L’hermès, Lyon, 1979, p. 18.
[2]
Art. 52 du DOC : « Le dol donne ouverture à la rescision,
lorsque les manœuvres ou les réticences de l'une des parties, de celui qui la
représente ou qui est de complicité avec elles, sont de telle nature que, sans
ces manœuvres ou ces réticences, l’autre partie n’aurait pas contracté. Le dol
pratiqué par un tiers a le même effet, lorsque la partie qui en profite en
avait connaissance ».
[3] Dahir du
9 ramadan 1331 (12 aout 1913) formant Code des obligations et des contrats
(B.O. 12 septembre 1913).
[4]
Alev COMERT, Les infractions consommées par le mensonge, Th. de
droit privé et science criminelle présentée et soutenue publiquement en date du
14 décembre 2015, Univ. de Lorraine, p. 10.
[5]L’expression
« infraction mensongère » a été utilisée par M. le P. André Decocq dans
la préface de la Th. de M. le P. Y. Mayaud.
[6] Yves MAYAUD, op. cit. p. 19.
[8] Alev COMERT, op. cit., p.
11.
[9] Cass.
crim. fr., jeudi 24 septembre 1998, pourvoi n° : 97-81748.
[10]
Cass. crim. fr., mercredi 28 juin 2017, pourvoi n° : 16-81110.
[11] Alev COMERT, op. cit., p.
117.
[12] Cass.
crim. fr., 8 décembre 2015, pourvoi n° : 14-85511.
[13] Abdelouahed EL ALAMI, op. cit.,
pp. 91-92.
[14] Mostapha MAJDI HARJA, op. cit.,
p. 23.
[15] Ahmed EL KHAMLICHI, Droit pénal
spécial, Tom II, Al Maarif, Rabat, 1982, p. 389.
[16] Alev COMERT, op. cit., p.
123.
[18]
Cass. crim. fr., jeudi 18 juillet 1968, pourvoi n° : 67-91361.
[19] Cass.
crim. fr., mercredi 11 octobre 1989, pourvoi n° : 87-83664.
[20]
Jacques-Henri ROBERT ; Haritini MATSOPOULOU, op. cit., p. 45.
[21] André
VITU, Traité de droit pénal spécial, Tome II, éd. Cujas, Paris, 1982, p.
102.
[22]Ibid.
p. 103.
[23] Cass.
crim. fr., 24 avril 1984, pourvoi n° : 83-90752.
[24] Cass.
crim. fr., 22 mars 1978, pourvoi n° : 77-92627.
[25] Cass.
crim. fr., 16 mars 1976, pourvoi n° : 75-90306.
[26] Cass.
crim. fr., 16 mars 1970, pourvoi n° : 68-90226.
[27] Cass.
crim. fr., 3 juin 1985, pourvoi n° : 83-95073.
[28]
Cass. crim. fr., 25 mars 2014, pourvoi n° : 13-13268.
[29] Cass.
crim. fr., 16 novembre 1995, pourvoi n° : 94-84725.
[30] Cass.
crim. fr., 19 octobre 1987, pourvoi n° : 85-94605.
[31] Cass.
crim. fr., 13 mai 1991, pourvoi n° : 90-83520.
[32] Cass.
com. fr., 26 mai 2009, pourvoi n° : 08-15980.
[33] Yves
MAYAUD, op. cit., p. 30.
[34]
L’art. 354 prévoit que : « Est punie de la réclusion de dix à
vingt ans, toute personne autre que celles désignées à l'article précédent qui
commet un faux en écriture authentique et publique : soit par contrefaçon ou
altération d'écriture ou de signature ; soit par fabrication de conventions,
dispositions, obligations ou décharges ou par leur insertion ultérieure dans
ces actes ; soit par addition, omission ou altération de clauses, de
déclarations ou de faits que ces actes avaient pour objet de recevoir et de
constater ; soit par supposition ou substitution de personnes ».
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