Le règlement des différends, un mécanisme en perpétuelle adaptation pour une meilleure efficacité
السلام عليكم ورحمة الله تعالى وبركاته
Le règlement
des différends, un mécanisme en perpétuelle
adaptation pour une meilleure
efficacité
EL BAZZIM RACHID |
EL BAZZIM RACHID
Doctorant chercheur à la faculté des sciences Juridiques
Economiques et Sociales de SETTAT
Résumé
Afin d'assurer la prévisibilité et la sécurité du système
commercial multilatéral, le règlement des différends commerciaux institué au
sein de l'organisation mondiale du commerce, incarne l'une de ses principales réalisations. L’essor des
échanges économiques au niveau international amène par le fait même à l'accroissement des litiges commerciaux, d'où
la nécessité absolue d’un système efficace de règlement des différends.
Le caractère contraignant de ses décisions a fait changer sa nature
désormais hybride. Ses organes sont sollicités par un nombre croissant des
Etats, y compris les pays émergents, qui recourent à ses services autant que les grandes puissances du commerce mondial. Il est aujourd'hui
perçu de plus en plus, comme un facteur d'équilibre
dans l’espace économique mondiale.
L’évolution du système commercial mondial impose l'amélioration du
fonctionnement du mécanisme, nécessitant sa professionnalisation et
l'enrichissement des règles de l'OMC. Aujourd'hui, il est
très sollicité pour traiter des contentieux commerciaux particulièrement
complexes, soulevant des enjeux de santé publique, de protection de l’environnement
et de développement durable, susceptibles
d’avoir un impact important sur l'opinion publique.
Il apparaît alors que le
mécanisme a comblé un certain nombre de lacunes structurelles dont était grevé
l’ancien système. Néanmoins, face à la difficulté de s’adapter à l'évolution rapide des relations
économiques internationales, il semble
parfois ne pas pouvoir répondre entièrement aux attentes de l’ensemble des
opérateurs économiques dans un système commercial multilatéral marqué par la prolifération des accords commerciaux
préférentiels tant bilatéraux que régionaux et posant une fois de plus le
problème du forum shopping en droit international.
Mots
clefs :
Règlement
des différends- OMC- juridictionnel- procédure- panels- organe d’appel-
transparence- forum shopping
INTRODUCTION
Dès sa création en 1995,
l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a eu un parcours riche en défis, en
assurant sa fonction de garantir le libre-échange dans les relations économiques interétatiques.
Elle a incarné une institution économique cohérente encadrant la mondialisation des échanges.
Supposée vouloir accorder à ses 161 membres de négocier en globalité,
de façon multilatérale les règles qui régissent
le commerce mondial, l’organisation a actuellement
beaucoup perdu son influence. Le
dernier round de négociations qu'elle a lancé à Doha en 2001 a fini en un état critique. Le fait de célébrer les mérites
et atouts de la libéralisation
est passé de mode, et les grandes
puissances commerciales du monde
choisissent dès lors d’accroître les négociations bilatérales.
Reste son Organe de règlement des différends commerciaux entre les pays (ORD),
un tribunal dont les décisions sont peu contestées. Il est le moyen par lequel les
sujets de droit font valoir leur volonté de contrôler l'effectivité des normes
qu'ils ont acceptées et il évolue avec des mutations que subissent ces normes (Djossou,
2000). C'est là un nouvel et notable exemple de la primauté du droit
international du commerce multilatéral posé par les Accords de Marrakech qui
ont ainsi voulu nettement réagir contre les trop nombreuses et agressives
réactions unilatérales mises sur pied au cours des ans par les grands pays
commerçants (Carreau, Juillard, 2010, p.89).
La fondation de l’Organe de
règlement des différends en 1995 a représenté
un mécanisme contraignant de
résolution des conflits commerciaux, ce
que ne permettait pas l'Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). D’après l'ancien directeur général
de l'OMC, Pascal Lamy, l'ORD « constitue l'un des instruments les plus
aboutis de l'OMC », et pour le professeur Jean-Marc Siroën : «
Il s'agit bien là d'une une procédure d'arbitrage et de
régulation acceptée qui agit préférablement bien et dont la légitimité est désormais
assurée » (Chavagneux, 2014, p. 68).
Le Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le
règlement des différends, conclu pendant le Cycle de l’Uruguay, instaure un
véritable « système » de règlement des différends : soit un ensemble de
pratiques, de méthodes, et d’institutions, formant à la fois une construction
théorique et une méthode pratique, destinés à assurer les Etats membres que
tout conflit entre eux relatif aux règles de l’Organisation sera effectivement
et efficacement tranché. C’est un des mécanismes les plus originaux et
efficaces de résolution de différends interétatiques, fondé sur la règle de droit au niveau du
commerce mondial.
L’administration du mécanisme de règlement des différends fait
partie des fonctions centrales de l'Organisation, aux côtés de ses fonctions
d'administration des accords et d'enceinte de négociation. Cette place centrale
est reflétée dans l’architecture institutionnelle de I'OMC, puisque l'Organe de
règlement des différends chargé de l'administration du mécanisme de règlement
des différends, est une incarnation du Conseil général.
Cependant, le mécanisme doit
survivre avec la multiplicité des accords bilatéraux et des institutions régionales, qui recourent
souvent à des procédures parallèles de
résolution des conflits dans le domaine du
commerce et de l'investissement,
induisant le problème de répartition des
compétences dénommé Forum Shopping.
Sa légitimité acquise fait
aussi de temps à autre l'objet de
discorde, certains voient dans ses
décisions présumées trancher les différends commerciaux en faveur
du libre-échange et des
investissements, au détriment d'autres valeurs comme la santé publique ou la
protection de l'environnement (Schemeil, 2014).
S'il peut sembler intéressant de s'interroger sur la nature de ce mécanisme,
pour en connaître ses caractères, procédures et pouvoirs, c'est pour savoir si
le mécanisme en lui-même est efficace.
L’objet
de la présente participation est d’analyser la
nature du mécanisme interétatique et sa procédure (I) avant de s'intéresser à son bilan
d’activité et ses perspectives d'avenir à la lumière de ses
vingt ans de fonctionnement. (II)
I-
Le mécanisme de règlement
des différends, juridictionnel et contraignant
L'Organe
de règlement des différends dispose d'une
compétence générale sur tous les accords de l'OMC, son mécanisme
obligatoire et efficace (A), se renforce par sa procédure formellement décrite
par le mémorandum (B).
A- Les caractères du
mécanisme de règlement des différends
En droit des affaires, les conflits entre entreprises sont soumis
au juge ou à l’arbitrage. Alors qu’au niveau international, et à défaut de
création d’une juridiction commerciale internationale, le GATT avait mis en place un système d’arbitrage, recourant à des
groupes d’experts ou panels, qui a été utile mais a montré ses limites (Jouanneau, 2003).
Le mécanisme de règlement des différends de l‘Organisation mondiale
du commerce traduit sa nature elle-même : il est en même temps nouveau et empreint de près de
cinquante ans d'expérience au sein du système commercial multilatéral du GATT,
d'où la tendance à opposer son caractère
pragmatique au caractère juridique de I'OMC (Allbeury, 2005).
D’après le Président de l’Organe de règlement des différend : «
Nous disposons du meilleur et du plus efficace des régimes de règlement des
différends dans le monde, une des raisons - peut-être la plus importante - pour
lesquelles lors de la grande récession de 2008-2011 on n’a pas de nouveau
assisté à un débordement de protectionnisme un peu partout dans le monde comme
ce fut le cas dans les années 30 du siècle passé » (De Mateo, 2015).
Il a déjà fait l'objet de
plusieurs études depuis son entrée en vigueur en 1995 (Canal-Forgues, 2004). En
fait, les différends sont examinés par l'Organe de règlement des différends,
qui se compose de tous les membres de l'OMC et, le cas échéant , par l'Organe
d'appel (OA), une instance composée de sept spécialistes du droit du commerce
international, désignés pour une durée de quatre ans et renouvelables une
fois. Lorsqu'une ou plusieurs parties à
un différend font appel, il examine les
constatations figurant dans le rapport du groupe spécial. Ses membres ne
représentent pas des nations, ils ont un statut assimilable à celui de juges.
Pour Eric Canal-Forgues, « la création d’un Organe d’appel permanent participe
directement de l’idée juridictionnelle (ou quasi-juridictionnelle) et s’inscrit
parfaitement dans le mouvement plus large de judiciarisation de la société
internationale ». (Canal-Forgues, 2003)
L’administration juridique de l'ORD est prévue par le
troisième article de l’accord instituant l'organisation mondiale du commerce,
cet article définit les fonctions de I’OMC . C’est une incarnation du Conseil général où
est représenté l'ensemble des membres de I'OMC, au niveau hiérarchique, ce
conseil est l'organe le plus élevé dans son organigramme, à I
‘exception de la Conférence ministérielle, qui ne se réunit généralement qu'une
fois tous les deux ans, et dont il exerce les fonctions entre deux sessions.
La qualification juridique du système de règlement des différends à
I'OMC, impose la prise en compte de sa nature hybride se situant à la frontière
du juridique et du politique, du juridictionnel et du non-juridictionnel, dans
un contexte caractérisé par la juridictionnalisation du règlement des
litiges économiques entre États. Le
mécanisme est une image concrète de la primauté de la règle du droit dans le
système du commerce international. Ce qui a permis de consolider le caractère
obligatoire du droit commercial international et de mieux garantir l'égalité
entre les Etats membres.
Le fait qu'un Etat soit membre de l‘Organisation mondiale du
commerce, lui impose en même temps de se soumettre à son mécanisme
de règlement des différends, en d'autres termes, les 161 membres de
l'organisation ont accepté la " juridiction " obligatoire et
exclusive de ce mécanisme. Grâce à cette procédure, l'OMC devient une véritable
organisation de régulation du commerce mondial : ses membres ont accepté des
accords réglementant les échanges entre eux, et le non-respect des accords peut
entraîner une action afin de mettre fin à la violation des accords (Rainelli,
2011).
L‘affirmation d'un système fondé sur la règle de droit et non la
loi du plus fort apparait d'abord comme un gage de protection du plus faible,
l'ensemble de ses dispositions est généralement perçu comme l'une des
modifications les plus significatives et innovatrices apportées à ce jour au
système commercial multilatéral (Canal-Forgues, 2004).
La force de ce mécanisme réside dans sa capacité à écarter les
aléas de la négociation politique, sans les surpasser d'une façon définitive. Il s’agit bien d’une
garantie de prévisibilité et de stabilité pour les tous les membres. Il est considérablement
fondé sur le respect des droits et des obligations des
membres, se traduisant par la conformité aux accords conclus, en rendant
opérationnelle les sanctions
commerciales qualifiées de "rétorsions".
Alors que le droit international public manque traditionnellement
de moyens d'exécution, la possibilité de
rétorsion, même temporaire, dans un contexte où chaque membre a une attente
très concrète que les opportunités commerciales qu'il a négociées se
matérialisent, peut devenir un outil puissant (Canal-Forgues, 2004).
La règle d'accès au mécanisme interétatique de règlement des
différends ne prévoit que seuls les membres de l’OMC, qui ont contracté les
droits et les obligations contenus dans les accords, peuvent intervenir, alors
qu'en exception les acteurs extérieurs n'y sont qu'occasionnellement.
Par ailleurs, il convient de noter que les acteurs privés jouent un
rôle très important avant le déclenchement de toute procédure, et qu’ils
peuvent même faire valoir leur expertise
et soutenir les membres à l'occasion de leurs litiges. Il semble bien qu’ils
sont au vrai sens, les grands bénéficiaires de toute action des Etats lors du
règlement de leurs différends (Barafi, 2013).
Si la participation indirecte des opérateurs privés est garantie,
celle des Organisations Non Gouvernementales (ONG) en tant que tierces
personnes fait toujours l'objet de
discussions juridiques, voire de tensions, reflétant une préoccupation plus
vaste de " transparence externe " de l'Organisation vis à vis de la société civile dans son ensemble
(Marre, 2000).
B- Le fonctionnement du
mécanisme
Les règles de la procédure
du mécanisme puisent dans le Mémorandum d’accord, qui poursuit en partie la codification des
pratiques du GATT en introduisant des innovations majeures qui l’ont renforcé
davantage. Dans ce cadre, l'article 31 du Mémorandum prévoit que:" Les
membres affirment leur adhésion aux principes du règlement des différends
appliqués jusqu'ici conformément aux articles XXII et XXIII du GATT de 1947, et
aux règles et procédures telles qu'elles sont précisées et modifiées dans le
présent mémorandum d'accord."
Les principales innovations
apportées au mécanisme se manifestent
dans : L ‘instauration d'une phase d'appel ;
la prise de décision qui est
quasi automatique à toutes les étapes fondamentales de la procédure
empêchant ainsi les blocages ; les
délais et la possibilité effective de
prendre des contre-mesures.
La procédure est désormais bien structurée, et ses étapes sont bien
définies, décrite dans le Mémorandum sur le règlement des différends, cependant
les dérogations à la durée sont fréquentes et sont justifiées par la complexité
de certains dossiers.
Généralement, Il conviendrait mieux de qualifier la procédure de règlement de différends en trois temps: entre Etats, devant les
groupes spéciaux et devant l'organe d'appel.
Lorsqu'un membre de l'OMC considère qu'un autre membre a violé un
accord, il saisit l'ORD et les étapes suivantes s’enchaînent, sachant que les
pays peuvent régler eux-mêmes leurs différends à tout moment et que les organes
de l’ORD n’ont pas de pouvoir d’auto-saisine.
Les parties doivent tout d'abord chercher une solution mutuellement
convenue, il s’agit bien de l’organisation de consultations dans un délai de soixante jours. En fait, une solution amiable est même
préférée, d'après l'article 3.7 du Mémorandum d'accord: "Une solution mutuellement
acceptable pour les parties et compatible avec les accords visés est nettement
préférable." ; en cas d'échec des consultations, le plaignant demande à
l'ORD la constitution d'un groupe spécial (panel), composé de trois experts
qualifiées (cinq si les parties à un litige en conviennent), qui devra accomplir une " évaluation objective " de la
question qui lui est soumise, dans ses aspects de fait et de droit. Il doit
être constitué sous quarante-cinq jours et
il a besoin de six mois pour
rendre son rapport, à partir des arguments des deux parties et éventuellement
après une consultation d'experts extérieurs. Les membres du groupe spécial sont
étranges à l'administration de l'OMC et ne doivent pas être originaires d'un
pays concerné par le différend. Leur rapport final contenant conclusions et recommandations, est
présenté dans un premier temps, aux
parties, puis transmis trois semaines plus tard, à tous les membres de l'organisation.
S’il n'y’a pas d’appel qui ne pourra porter que sur des questions
de droit (Canal-Forgues, 2004). L’adoption du rapport par l'ORD prend
généralement 60 jours, ce qui fait que la procédure sans appel a une durée
moyenne d'un an.
Chaque partie peut faire appel devant l'Organe d'Appel qui
garde la possibilité de confirmer, infirmer ou modifier le rapport du
groupe spécial; trois de ses sept membres permanents traitent le cas, dans un
délai de soixante jours. Le rapport peut être rejeté par l'ORD dans un délai de
trente jours. En fait, La création de l'organe d'appel se présente comme une
forme de contrepartie au quasi automaticité de l'adoption des rapports
(Loungnarath, 2002).
Ainsi se confirme le rôle de l’ORD, qui n'est pas seulement de
veiller à l'administration du mécanisme de règlement des différends, mais aussi
de superviser la légalité et l'opportunité des solutions que dégagent les
rapports de l'organe d'appel. Cette seule observation justifie que l'on dénie
la qualification d'organe juridictionnel à cette dernière instance, même s'il
fonctionne selon des règles qui rappelleront les règles de la procédure
contentieuse (Carreau, Juillard, 2010, p.101).
Le membre dont la mesure de politique commerciale a été considérée
comme contraire aux accords doit se mettre en conformité dans un délai
raisonnable, en pratique au maximum de quinze mois. Dans le cas où la mise en
conformité n'est pas réalisée, deux cas de figure peuvent se présenter : à
l'issue de négociations avec le plaignant, il peut offrir une compensation
mutuellement satisfaisante, ou bien, si aucun arrangement n'est trouvé, le
plaignant peut demander à l'ORD l'autorisation de suspendre l'application de
concessions ou d'autres obligations à l'encontre de l'autre pays, c'est-à-dire
de contre-mesures sous le contrôle d'arbitres
désignés par l'ORD. Les décisions des arbitres sont définitives (Rainelli, 2011).
La suspension de concession prend en général la forme d'une
augmentation des droits de douane sur des importations en provenance du pays
qui ne s'est pas mis en conformité ; les États-Unis, par exemple, choisissent
d'instaurer un tarif de 100 %. Cette mesure crée un dommage pour le pays
fautif, mais elle se traduit aussi par une pénalisation des consommateurs du
pays lésé, en raison de l'augmentation des prix sur le marché national, voire
par une disparition des importations (Rainelli, 2004). Ceci montre que la
procédure présente l'intérêt d'être encadrée temporellement : elle doit se
dérouler sur un an, sans appel, et un an et trois mois en cas d'appel.
Il semble important de souligner que si le Mémorandum d'accord
stipule divers modes possibles de
règlement des différends , la procédure
du « groupe spécial » reste la plus
privilégiée en pratique, puisqu’elle
intègre la diplomatie bilatérale, la résolution en droit, la prise de décision et les supervisions
collectives multilatérales. (Allbeury, 2005).
L'utilisation des termes groupe spécial au lieu du tribunal, et
organe d'appel au lieu de la cour d’appel, montre un éloignement du modèle
juridictionnel classique, sans nier l’existence d’une fonction de jugement.
Aucune des parties ne peut refuser la procédure, celle-ci est
encadrée par des délais bien précis. La
partie condamnée ne peut bloquer l’adoption des conclusions du panel ni de
l’organe d’appel. Au contraire, elle est garantie par le principe du
"consensus négatif", leur rejet n'est possible que s'il existe un
consensus de tous les Etats membres dans ce sens, ce qui est de nature à
rendre leur adoption
"systématique", forcée par
l’autorité de la chose jugée.
Par ailleurs, Le caractère multilatéral de la prise de
décision au sein de l'ORD est remarquable, puisque même dans un différend qui ne se résoudrait que par des consultations, l'inscription de
la procédure est expressive.
Par ailleurs, l’article 3 du mémorandum dispose que: « Le but du
mécanisme de règlement des différends est d'arriver à une solution positive des
différends », et que " Les recommandations et décisions de l'ORD ne
peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les
accords visés". Ce qui montre expressément qu’il constitue bien un mécanisme qui veille
au respect des droits et
obligations des membres sans se
permettre d'être , lui-même, un créateur
de normes, c’est pourquoi les groupes spéciaux et l'organe d'appel se réfèrent
régulièrement, dans leurs rapports aux
dispositions générales du mémorandum qui délimitent leur champ d’action en
faisant preuve d’ « économie jurisprudentielle » ; cette technique juridique d'évitement, contribue à
maintenir l’activité d'interprétation et de clarification des accords dans les
seules limites de ce qui est requis pour résoudre le différend ( Allbeury,
2005).
Le respect strict du rôle à jouer par les groupes spéciaux et
l’organe d’appel, démontre clairement le partage des compétences au sein de l'organisation :
entre les fonctions du règlement des différends et la création de
normes.
Après avoir mis le point sur les aspects et la procédure du
règlement de différends, il nous semble pertinent à l’occasion des 20 ans de
l'OMC, de faire le bilan d’un système qui a connu une popularité remarquable du
fait de sa sollicitude constante et récurrente par les Etats membres ..
Il- Le bilan de l’organe de règlement de différends et
les pistes de son amélioration
Le nombre et la diversité des plaintes déposées devant l'organe de
règlement de différends montre
que le système fonctionne bien au bénéfice de
tous du moins si l'on en juge d'un simple point de vue quantitatif (A), cependant, certaines lacunes restent à
combler pour en assurer autant de transparence (B)
A- Le bilan de l’Organe
de règlement de différends
Le règlement des différends constitue le secteur dans lequel l’OMC
fournit la plus grande activité ainsi
que sa principale face sur l’extérieur,
depuis la date de son entrée en vigueur le
1er janvier 1995 jusqu’à aujourd'hui, déjà près de 500 affaires ont été soumises, un nombre bien supérieur par exemple
à celui des affaires dont la Cour internationale de Justice a été saisie (De
Mateo, 2014) , ce qui signifie que ce
système a été sollicité durant ses vingt années d’existence plus que celui du GATT ne l’a été de 1948 à 1994,
période durant laquelle moins de 300 cas ont été enregistrés (Zimmermann,
2004), tout en signalant que le champ
d’action de l’OMC est bien plus vaste que ne l’était celui du GATT et
qu'elle compte aussi bien plus de membres.
Dans ce cadre, Pascal Lamy estime qu’ « il s'agit sans aucun doute
d'un vote de confiance qui plébiscite un système considéré par beaucoup comme
un modèle à suivre pour le règlement pacifique des différends qui surgissent au
niveau international dans d'autres domaines des relations politiques ou économiques.
» (Rainelli, 2011, p. 65).
Une analyse matérielle des affaires posées devant l'ORD montre
que les litiges relatifs au commerce des
marchandises ont eu la grande part, mais il y a aussi eu quelques cas très
importants concernant l’Accord général sur le commerce des services (exemple
des Mesures visant les services de Télécommunications contre le Mexique en 2004
) , et l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui
touchent au commerce ( exemple de la plainte du Brésil contre les États-Unis
sur le Code des brevets des États-Unis
en 2001 ).
Par ailleurs, sur les 48
membres de l’OMC appartenant à la catégorie des pays les moins avancés
qui sont les plus pauvres et les plus
faibles du monde selon la classification de l’Organisation des Nations Unies ,
le Bangladesh, en 2004, en tant que membre et
partie principale, est le seul qui a demandé l’ouverture de
consultations avec l’Inde au sujet d’une mesure antidumping imposée par ce pays
sur les importations de batteries
(Djossou, 2000).
En dépit de la situation des
pays les moins avancés, l'inégal accès des membres de l'OMC au mécanisme réside dans le fait que les deux tiers des
nations n'introduisent pas de plainte, ni d'ailleurs n'en sont l'objet. Ce qui s’explique par la place marginale de
ces pays dans le commerce mondial. Il est en effet possible de supposer que le
nombre de plaintes déposées par un membre de l'OMC s'explique par sa part dans
les exportations mondiales et, à l'inverse, les plaintes dont il fait l'objet
par sa part dans les importations mondiales (Rainelli, 2011). L’exclusion du
mécanisme est liée également à des coûts
importants relatifs à la constitution du
dossier qui imposent l'appel à des spécialistes et experts du droit du commerce international et de l'économie
internationale.
Le bilan du travail de
l'ORD, a exposé également que la phase
d’exécution des décisions a montré quelques complications qui
ont induit des situations parfois politiquement délicates,
où le manque de volonté de coopérer des gouvernements incriminés était
manifeste, comme dans les cas des bananes, de la viande aux hormones ou des
sociétés de vente à l’étranger.
En outre, une partie des spécialistes du commerce
international voit que la suspension de
concessions est une mesure
sanctionnatrice peu
convenable lorsque la partie perdante au différend ne veut pas se conformer (Jouanneau, 2003).
En effet, ces rétorsions touchent en même temps
des exportateurs non impliqués au litige du pays en cause, aussi que les propres consommateurs et importateurs
d’intrants du pays plaignant.
Il s’agit là de mesures qui
sont opposés à la philosophie de l’OMC et elles peuvent donner le pseudo image
qu’un pays qui tire, avec perfection, des avantages avec des mesures de
rétorsion de nature protectionniste.
Faute d’un pouvoir de marché suffisant, les petits pays en
développement semblent être dans
l’incapacité pratique de prélever des droits de douane punitifs lorsqu’ils sont confrontés à une puissance
économique qui ne veut pas coopérer d’un côté,
et de l’autre, ils paralysent
leur processus de développement en posant des obstacles à l’importation de
biens d’investissement. L'affaire dite de « bananes » menée par l’Equateur
contre l'Union Européenne incarne bien
les difficultés rencontrées lors de l’édiction des sanctions.
B- des pistes d’amélioration du mécanisme
Etant donné que l'approche de l'OMC pour le règlement des
différends privilégie les principes de transparence, d'efficacité, de rapidité
et, dans la mesure du possible, de consensus dans les décisions adoptées par
les organes de règlement des litiges
(Baud-babic, & Labaki, 2015). La contribution des
organisations non gouvernementales est assez souhaitable, et peut prendre la forme de dépôt des arguments de leur propre initiative ,
selon la procédure de l'amicus
curiae qui intervient régulièrement dans
les formalités devant l’ORD, depuis
l’affaire de l’ Inde etc./États-Unis: “crevettes-tortues”.
Cette technique juridique d’origine américaine permet à une
personne ou à une entité (étatique ou non) qui n’est pas une des parties à la
procédure d’intervenir pour donner un avis ou des informations concernant
l’affaire (Zambelli, 2005). Ces « amis de la cour » ont-ils vocation à
n’apporter que des éclaircissements d’ordre purement factuel (Wallet-houget,
2005). Ainsi, d’après la jurisprudence de l’OMC, les groupes spéciaux et
l’Organe d’appel ont le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de rejeter ces
communications mais ne sont pas tenus de les examiner.
L’instauration d’un système d’accréditation des ONG autorisés auprès de l’OMC est de nature à bien organiser et encadrer
cette procédure. En outre, il parait plus
compliqué d’admettre que des ONG puissent prendre l’initiative de saisir
l’ORD. Cette réforme aurait pour effet d’affaiblir le caractère interétatique
de la procédure (Marre, 2000).
Dans le but de développer la
légitimité des décisions des groupes
spéciaux, l'enjeu est à la professionnalisation de leur action et le choix
pertinent des panélistes. Ces
experts ne sont pas des professionnels
de l'OMC, à l'opposé des sept membres de
l'Organe d'appel qui exercent une
activité professionnelle soit dans des administrations publiques des Etats
membres, soit dans des organismes privés (Cottier, 2004). En outre, il serait
utile que les panels comportent davantage de juristes mais aussi des spécialistes
dans l'environnement, la santé et la biodiversité (Paye, 1996).
Par ailleurs, ils sont dépendants au secrétariat de l'OMC chargée
de la rédaction de leurs rapports . Cependant, en tant qu'experts dans le
domaine du commerce, ils doivent
disposer d'un secrétariat distinct.
Concernant la phase de la mise en œuvre, il faut souligner que les recommandations et décisions de l'ORD doivent être exécutées dans un délai raisonnable. Lorsqu’il n'est
pas respecté, la partie plaignante peut demander à négocier des compensations et, si cette
négociation ne le satisfait pas, demander à l'ORD l'autorisation de prendre des
mesures de rétorsion, mais, ces
sanctions punitives peuvent porter sur
un secteur économique autre que celui
ayant déclenché le litige. Ces rétorsions sont alors mal comprises des
entreprises ainsi victimes d’un différend qui leur est étranger.
En raison de ces problèmes, une réforme du Mémorandum sur le
règlement des différends est en débat au sein de l'OMC, mais son aboutissement
n'est pas évident. Un des points envisagés est de remplacer les mesures de
suspension des concessions par le versement de dommages. Une autre possibilité
a été envisagée en raison de l'incapacité pour certains membres de recourir à
la surtaxation d'importations en provenance d'un pays condamné, en l'absence
d'importations de valeur équivalente. Certains pays ont suggéré que le pays concerné puisse vendre
ses droits à rétorsion.
Par ailleurs, il n’y a pas unicité des règles dans certains
domaines couverts par l’OMC, les règles établies par l’Organisation se trouvent
être côte à côte avec des règles qui résultent de traités bilatéraux ou
multilatéraux ayant déjà réglés certains
problèmes et qui sont conclu, parfois, par les mêmes parties contractantes. La
question est alors celle de savoir devant quelle instance les Etats vont se
tourner en cas de litige. Ou bien :
Qu’est-ce qui ne doit pas être porté devant l’OMC, mais devant d'autres
forums?
En outre, ces institutions et conventions régionales ou
internationales semblent posséder des systèmes de règlement des différends de
nature autre que juridictionnelle. Quoi
qu’il en soit, la question de la répartition des compétences se pose
toujours et renvoie à un problème plus difficile à résoudre,
celui du Forum Shopping.
La mise en place de l'ORD, après avoir contribué à réduire le
risque de forum shopping intra OMC, semble significativement augmenter ce
risque au niveau international (Kieffer, 2008). Dans un contexte international
mondialisé, tout problème géopolitique a de grandes chances d'avoir des
ramifications économiques. En 1999, un recours porté devant la cour
internationale de justice (CIJ) entre le
Nicaragua et le Honduras concernant la délimitation maritime dans la Mer des
Caraïbes, a eu comme riposte en 2000, une plainte contre le Nicaragua devant
l'ORD au sujet de "mesures visant les importations en provenance du
Honduras et de la Colombie".
La question se pose en même temps au niveau des relations complexes
de l'OMC avec les entités régionales, dont on peut citer l'exemple du différend
opposant les Etats-unis au Canada concernant certaines mesures concernant les
périodiques, les autorités américaines ont choisi de porter l'affaire devant
l'OMC plutôt que devant les instances compétentes de l'Accord de libre-échange
nord-américain (ALENA)
Dans un autre registre, des risques de conflits entre les accords
environnementaux multilatéraux (AEM) et les règles de l'OMC semblent imminents,
du fait que ces accords préfèrent
toujours la négociation au lieu des résolutions juridiques. Alors que des
mesures prises peuvent relever conjointement du droit de l'OMC et d'autres
branches du droit international, accentuant le risque d'un conflit de
juridiction entre l'OMC et la Cour international de justice (CIJ) , qui semble
souvent inévitable car il n'existe aucun mécanisme pouvant prévenir la saisine
simultanée ou même successive des différents mécanismes de règlement des
différends envisageables.
En guise de conclusion, l’expérience de vingt ans de l'Organe de
règlement de différends, montre que le
mécanisme contribue de manière
importante à inscrire la règle de droit au centre du système commercial
multilatéral, et participe à promouvoir une plus grande égalité entre les
Etats, qui se mesure essentiellement par un nombre de décisions défavorables
aux intérêts des Etats-Unis en tant que grande puissance économique. Cependant,
la réinsertion des objectifs sociétaux
dans le droit international économique impose
à encourager l’Organe de règlement des différends à interpréter le droit de l’OMC à la lumière
du droit international général,
particulièrement en tenant
compte de la participation des États membres concernés à d’autres traités
internationaux , de la jurisprudence des Cours régionales des droits de l’homme
ou encore des résolutions pertinentes de
l’Organisation des nations unies.
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[1]
En
plus de la coopération avec le FMI et la
Banque mondiale pour la cohérence des politiques économiques mondiales, les
principales fonctions de I'OMC sont : l’administration et le fonctionnement de
l’accord de l'OMC et des Accords commerciaux multilatéraux, elle est l'enceinte
pour les négociations entre ses membres au sujet de leurs relations
commerciales multilatérales; et elle
administrera le Mécanisme d'examen des politiques commerciales.
[2]
Il
n’y avait pas de date butoir pour la fin de l’examen de la plainte. La mise en
œuvre des recommandations du panel était laissée au bon vouloir de la partie
condamnée. Ces carences ont conduit plusieurs contentieux à dégénérer en
guerres commerciales (soja, acier, aéronautique), c’est-à-dire à des escalades
de rétorsions et de contre-rétorsions, le jeu croisé des sanctions se terminant
toujours au bénéfice du plus fort et de l’unilatéralisme, souvent américain.
[3] Les principaux
différends ayant donné lieu à l'instauration de contre-mesures, ont concerné
des affaires opposant les États-Unis et l'Union européenne, mais aussi, le Brésil aux États-Unis.
[4] Jusqu’à
maintenant, les membres n'ont pas fait
usage des autres modes de règlement de différends dont: la médiation,
les bons offices, la conciliation et I ‘arbitrage, et ce malgré la grande
latitude que les textes laissent aux parties pour organiser ce type de
procédure.
[1] Le secrétariat n'a aucun pouvoir décisionnel, puisque les décisions sont prises par les membres. Sa fonction est essentiellement l'appui technique, l'assistance aux pays en développement, l'analyse du commerce mondial et la diffusion de l'information, notamment grâce au site Web (www.wto.org).
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